.
Vus par Zadkine : Vincent et Théo Van
Gogh 25 avril - 21 septembre 2003 Si Ossip Zadkine a rendu hommage
à de nombreux créateurs (poètes, écrivains, musiciens…), les figures
récurrentes de son œuvre sont plus souvent empruntées à la mythologie
qu'à l'Histoire. A une exception près, mais qui confine au mythe,
" le cas, l'événement Van Gogh ", selon les termes du sculpteur,
qui lui consacra entre 1956 et 1964 une dizaine de sculptures. Figure
multiple et difficile à saisir, Vincent Van Gogh semble échapper
à la possibilité d'une représentation unique. Zadkine s'attache
d'abord au portrait du peintre, possédé par son art : projet de
monument à Van Gogh d'Auvers sur Oise, Van Gogh à la palette, Van
Gogh marchant à travers champs…) Puis très vite, il ébauche une
nouvelle image de l'artiste, en le représentant avec son frère Théo.
La découverte de ce personnage clé de la vie du peintre était à
l'époque facilitée par la première publication en français de la
correspondance de Vincent à son frère (1960), donnant lieu à une
série d'études - en particulier celle de Charles Mauron conservée
dans la bibliothèque du sculpteur - sur la " symbiose " qui unissait
les deux hommes. Relation d'interdépendance unique dans l'histoire
de l'art puisque Théo permettait matériellement à Vincent de peindre,
en échange de quoi Vincent donnait à Théo toutes ses toiles. A propos
de cette œuvre qu'ils créaient à deux, citons L'enterrement dans
les blés (1983) de Vivian Forrester, qui va jusqu'à écrire que dans
ces échanges, " où l'un donne, l'autre reçoit, Théo fournissant
de quoi poursuivre l'oeuvre, on ne saura jamais qui prend, qui offre,
ni tout à fait qui peint ". Le lien, par lequel les deux frères
se trouvaient enchaînés l'un à l'autre, se prolongea même au-delà
de l'épistolaire, Théo étant mort après avoir sombré dans la folie
dans les mois suivant le suicide de Vincent. D'après Zadkine (lettre
à Marc Edo Tralbaut, 8 mars 1963, conservée dans les archives du
musée) " ce lien était une sorte d'identité de pensée qui jaillissait
chez l'un et se transmettait immédiatement vers l'autre. (…) Mon
monument doit rester le symbole de ce merveilleux cas humain de
double jaillissement " ajoutait-il. Le sculpteur décline ainsi à
travers plusieurs oeuvres (Deux frères assis, Monument aux frères
Van Gogh de Zundert, Monument à Van Gogh de Saint Rémy de Provence)
cette relation passionnelle et tragique dans laquelle il projette
sa propre conception esthétique et lyrique de la fusion des êtres.
Dans le lien affectif sculpté par Zadkine, il y a, - selon lui -
" le lien projeté sur un évidé " qui constitue la structure de tant
d'œuvres majeures du sculpteur. Face aux multiples spéculations
qui entourent aujourd'hui l'œuvre de Van Gogh, l'hommage de Zadkine
à Vincent et Théo replace le destin esthétique du peintre dans son
contexte de création. Sensible à la peinture de Van Gogh, Zadkine
a désiré mettre en lumière ce qui en permit le déploiement. Cet
hommage à Van Gogh s'inscrit dans la célébration du 150ème anniversaire
de la naissance du peintre.