Les impressionnistes

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Gauguin, le malade de Tahiti « Gauguin ? On a déjà donné... » D'accord, vous avez peut-être fait un passage au Musée du Luxembourg à Paris au printemps. Ou au musée de Quimper pendant l'été. Il y était, lui aussi, mais cette première exposition le plaçait au milieu de ses compagnons d'aventures bretonnes. Le centenaire de la disparition, le 8 mai 1903, d'un tel créateur ­ il va nourrir une bonne part de l'art du siècle suivant ­ valait bien un double regard. Après la période Pont-Aven, voici donc le séjour à Tahiti. Là où Gauguin a passé les derniers temps de sa vie et donné à la postérité ses oeuvres majeures. Pourquoi cet exil vers le bout du bout du monde ? Il y aurait là comme une suite au choc que fut pour lui la visite du pavillon des Tropiques, lors de l'Exposition universelle de 1889 à Paris : « Je pars pour être tranquille, pour être débarrassé de l'influence de la civilisation », assure-t-il quand il embarque, deux ans plus tard. Son installation au bord d'un lagon, avec une vahiné de 13 ans, ressemble d'abord au paradis qu'il cherchait : « Tout m'aveuglait, m'éblouissait dans ce paysage. » Mais pas pour longtemps. Il est rapatrié à Paris, en juin 1893, malade et encombré d'une soixantaine de toiles qui ne trouveront pas preneurs, malgré l'appui de Degas. Misère pour misère, autant la vivre « là-bas dans le silence et dans les fleurs ». Il repart pour un deuxième voyage, dont il sait qu'il sera le dernier. C'est d'abord Tahiti (1895-1901) puis les Marquises jusqu'à sa mort, d'une crise cardiaque. Au terme d'un séjour tout aussi pathétique que le premier. Un séjour qu'il aura subi, miné par la maladie, accablé par les dettes et torturé par le sentiment d'incompréhension des autres. Des chefs-d'oeuvre vont fleurir tout au long de cette ultime période, dont le mythique D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? « J'ai voulu, avant de mourir, peindre une grande toile que j'avais en tête et, durant tout le mois, j'ai travaillé jour et nuit dans une fièvre inouïe », écrira-t-il à propos de cette immense composition conçue comme son testament d'artiste. Conservée au musée de Boston, elle revient en France pour la première fois depuis un demi-siècle. On verra dans cette allégorie plus que la description que lui-même en faisait : « Tout cela est fait de chic, du bout de la brosse, sur une toile à sac pleine de noeuds et rugosités ; aussi l'aspect en est terriblement fruste. » C'est bien sûr l'événement de cette lumineuse exposition au parcours très aéré. L'oeuvre de Gauguin y est replacée dans son contexte, au milieu des photographies de Tahiti d'Henri Lemasson, qui l'inspirèrent, de créations et d'objets polynésiens, tels qu'il a pu en côtoyer. Avec aussi quelques textes d'un artiste qui, jusqu'au bout, aura revendiqué « le droit de tout oser ».

Pierre FORNEROD

La Bretagne des peintres

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