"L'impressionnisme n'est pas un tendance mais une vision du monde"
  • MAX LIEBERMANN

Les grandes nouveautés de l'impressionnisme résident dans la pratique du plein air, dans la traduction des aspects fugitifs de la nature, notamment de la lumière. Ce sont d'ailleurs les aspects les plus éphémères, les plus fugaces qui vont surtout attirer les peintres impressionnistes : la mer et les horizons mouvants, le ciel et ses nuages mobiles, le soleil et ses vibrations. Tout ce qui est reflet, et particulièrement l'élément fluide, retient au premier chef de leur attention. L'extension du réseau ferroviaire de banlieue permet aux artistes de s'évader de la capitale et de venir peindre à la campagne, et au bord de l'eau, " sur le motif ". Toutes les vallées et plaines entourant Paris deviennent alors les lieux de prédilection des peintres impressionnistes. Sur le plan technique, l'impressionnisme s'affranchit des conventions traditionnelles de l'art de peindre. Le dessin-contour précisant la forme et suggérant le volume est banni. Désormais, on suggère les formes et les distances par les vibrations et les contrastes de couleurs en ne considérant le sujet que dans son atmosphère lumineuse et dans les variations d'éclairages. Les impressionnistes ne vont plus représenter les formes et les couleurs telles qu'ils les croient être, mais telles qu'ils les voient sous l'action déformante de la lumière. Si l'optique prouve qu'une ombre est bleue alors que le bon sens dit qu'elle est grise, l'impressionniste opte pour la première solution pendant que le public s'accroche à la seconde. Le but est de traduire sur la toile les aspects fugitifs de la nature : l'atmosphère plus ou moins humide, l'air plus ou moins vif, les colorations ou les scintillements, la mer et l'horizon, le soleil et ses rayons, le ciel et les nuages, le vent sur l'eau, la fumée, le brouillard, la pluie, la neige, etc... . Mais la recherche principale reste la traduction de la lumière, l'élément le plus éphémère. Un sens nouveau de la nature apparaît alors : tout ce qui en elle évoquait l'immobilité, la stabilité s'efface ; elle est sollicitée de plus en plus par le fluide et l'impalpable ; elle perd ses qualités de poids, de densité, de fermeté ; à la fois son contenu, sa forme et sa tangibilité pour dissoudre en une apparence impondérable. Cette tendance se manifeste d'abord par la hantise de l'eau qui supplante peu à peu l'univers des solides. Pour atteindre leur but, les impressionnistes ont été amenés à trouver une technique appropriée qui leur permet de traduire rapidement les vibrations de la nature que leurs sens leurs avaient transmises. Les peintres délaissent le clair-obscur et ses contrastes violents (noirs, gris, blancs, bruns) au profit des bleus, verts, jaunes, orangés, rouges et violets. Les couleurs deviennent de plus en plus claires et gaies, les ombres elles-mêmes sont systématiquement colorées, conformément à la réalité. Les gris et les bruns utilisés par Corot comme valeurs intermédiaires sont remplacés par les couleurs pures mélangées selon la technique du mélange optique : deux couleurs pures sont juxtaposées sur la toile (et non mélangées par pigments sur la palette) et c'est l'œil du spectateur qui recompose alors la couleur voulue par le peintre. Cette division des tons exprime à merveille la fragmentation des reflets dans l'eau, mais les impressionnistes l'étendront à tous les éléments du paysage, même les plus solides. Les Impressionnistes choisissent la lumière comme principe dominant ou, si l'on préfère ; sacrifient tout à la représentation la plus fidèle, la plus fouillés possible de la lumière. Chez eux, la lumière joue partout, sur l'eau le plus souvent, mais aussi sur un paysage urbain traversé de fumées (Monet, La Gare Saint-Lazare 1877) ou dans l'intimité du soir, à la clarté de la lampe (Renoir, La Lecture 1875-1876). Par conséquent, la lumière jouant un rôle dissolvant sur les formes, les peintres abandonnent alors quelques-uns des principes traditionnels de l'art pictural. Le dessin-contour précisant la forme et suggérant le volume est banni et remplacé par des touches fragmentées et morcelées, juxtaposées les unes par rapport aux autres. Le principe de la division des tons (l'obtention d'un ton orange résulte du voisinage d'un rouge et d'un jaune) est à la base même de cette technique ; dès lors, la touche joue pleinement son rôle d'instrument destiné à dissoudre les formes dans l'atmosphère. La perspective n'est plus fondée sur les règles de la géométrie mais est réalisée du premier plan vers la ligne d'horizon, par la dégradation des teintes et des tons qui définit ainsi l'espace et le volume. C'est néanmoins aux impressionnistes que le paysage doit une vogue qui ne s'est plus démentie. En effet, consciemment ou inconsciemment, ils privilégient ce genre, comme s'ils voulaient fixer pour l'éternité un monde que le développement de l'industrialisation ne va pas tarder à transformer. C'est sans doute pourquoi des peintres comme Cézanne, Sisley, Pissaro et surtout Monet restent très attachés à la nature et à des campagnes qu'ils affectionnent particulièrement (les bords de Marne et de la Seine, les environs de Fontainebleau, la Normandie, la Provence...). Ainsi, les paysages de Monet étaient d'une totale nouveauté même si d'autres peintres avaient avant lui travaillé en plein air. Ambitionnant de mettre à nu l'ordre secret de la nature, Cézanne fut conduit à remanier des années durant sa peinture, alors que Van Gogh essayait de capter en une seule séance l'essence expressive et affective d'une scène. La conviction que la couleur serait le fondement de l'art à venir influença nombre de peintres et conduisit Gauguin à aller chercher dans le Pacifique des civilisations exotiques et des paysages flamboyants. Le paysage impressionniste est habité par l'homme, même si celui-ci n'était pas figuré : un pont, une maison indiquaient sa trace vivante.

4 Le Néo-impressionnisme

5 Le post-impressionnisme