Les
grandes nouveautés de l'impressionnisme
résident dans la pratique du plein air, dans la traduction des aspects
fugitifs de la nature, notamment de la lumière. Ce sont d'ailleurs les
aspects les plus éphémères, les plus fugaces qui vont surtout attirer
les peintres impressionnistes : la mer et les horizons mouvants, le
ciel et ses nuages mobiles, le soleil et ses vibrations. Tout ce qui
est reflet, et particulièrement l'élément fluide, retient au premier
chef de leur attention. L'extension du réseau ferroviaire de banlieue
permet aux artistes de s'évader de la capitale et de venir peindre à
la campagne, et au bord de l'eau, " sur le motif ". Toutes les vallées
et plaines entourant Paris deviennent alors les lieux de prédilection
des peintres impressionnistes. Sur le plan technique, l'impressionnisme
s'affranchit des conventions traditionnelles de l'art de peindre. Le
dessin-contour précisant la forme et suggérant le volume est banni.
Désormais, on suggère les formes et les distances par les vibrations
et les contrastes de couleurs en ne considérant le sujet que dans son
atmosphère lumineuse et dans les variations d'éclairages. Les impressionnistes
ne vont plus représenter les formes et les couleurs telles qu'ils les
croient être, mais telles qu'ils les voient sous l'action déformante
de la lumière. Si l'optique prouve qu'une ombre est bleue alors que
le bon sens dit qu'elle est grise, l'impressionniste opte pour la première
solution pendant que le public s'accroche à la seconde. Le but est de
traduire sur la toile les aspects fugitifs de la nature : l'atmosphère
plus ou moins humide, l'air plus ou moins vif, les colorations ou les
scintillements, la mer et l'horizon, le soleil et ses rayons, le ciel
et les nuages, le vent sur l'eau, la fumée, le brouillard, la pluie,
la neige, etc... . Mais la recherche principale reste la traduction
de la lumière, l'élément le plus éphémère. Un sens nouveau de la nature
apparaît alors : tout ce qui en elle évoquait l'immobilité, la stabilité
s'efface ; elle est sollicitée de plus en plus par le fluide et l'impalpable
; elle perd ses qualités de poids, de densité, de fermeté ; à la fois
son contenu, sa forme et sa tangibilité pour dissoudre en une apparence
impondérable. Cette tendance se manifeste d'abord par la hantise de
l'eau qui supplante peu à peu l'univers des solides. Pour atteindre
leur but, les impressionnistes ont été amenés à trouver une technique
appropriée qui leur permet de traduire rapidement les vibrations de
la nature que leurs sens leurs avaient transmises. Les peintres délaissent
le clair-obscur et ses contrastes violents (noirs, gris, blancs, bruns)
au profit des bleus, verts, jaunes, orangés, rouges et violets. Les
couleurs deviennent de plus en plus claires et gaies, les ombres elles-mêmes
sont systématiquement colorées, conformément à la réalité. Les gris
et les bruns utilisés par Corot comme valeurs intermédiaires sont remplacés
par les couleurs pures mélangées selon la technique du mélange optique
: deux couleurs pures sont juxtaposées sur la toile (et non mélangées
par pigments sur la palette) et c'est l'œil du spectateur qui recompose
alors la couleur voulue par le peintre. Cette division des tons exprime
à merveille la fragmentation des reflets dans l'eau, mais les impressionnistes
l'étendront à tous les éléments du paysage, même les plus solides. Les
Impressionnistes choisissent la lumière comme principe dominant ou,
si l'on préfère ; sacrifient tout à la représentation la plus fidèle,
la plus fouillés possible de la lumière. Chez eux, la lumière joue partout,
sur l'eau le plus souvent, mais aussi sur un paysage urbain traversé
de fumées (Monet, La Gare Saint-Lazare 1877) ou dans l'intimité du soir,
à la clarté de la lampe (Renoir,
La Lecture 1875-1876). Par conséquent, la lumière jouant un rôle dissolvant
sur les formes, les peintres abandonnent alors quelques-uns des principes
traditionnels de l'art pictural. Le dessin-contour précisant la forme
et suggérant le volume est banni et remplacé par des touches fragmentées
et morcelées, juxtaposées les unes par rapport aux autres. Le principe
de la division des tons (l'obtention d'un ton orange résulte du voisinage
d'un rouge et d'un jaune) est à la base même de cette technique ; dès
lors, la touche joue pleinement son rôle d'instrument destiné à dissoudre
les formes dans l'atmosphère. La perspective n'est plus fondée sur les
règles de la géométrie mais est réalisée du premier plan vers la ligne
d'horizon, par la dégradation des teintes et des tons qui définit ainsi
l'espace et le volume. C'est néanmoins aux impressionnistes que le paysage
doit une vogue qui ne s'est plus démentie. En effet, consciemment ou
inconsciemment, ils privilégient ce genre, comme s'ils voulaient fixer
pour l'éternité un monde que le développement de l'industrialisation
ne va pas tarder à transformer. C'est sans doute pourquoi des peintres
comme Cézanne, Sisley,
Pissaro et surtout Monet
restent très attachés à la nature et à des campagnes qu'ils affectionnent
particulièrement (les bords de Marne et de la Seine, les environs de
Fontainebleau, la Normandie, la Provence...). Ainsi, les paysages de
Monet étaient d'une totale nouveauté même si d'autres peintres avaient
avant lui travaillé en plein air. Ambitionnant de mettre à nu l'ordre
secret de la nature, Cézanne fut conduit à remanier des années durant
sa peinture, alors que Van Gogh
essayait de capter en une seule séance l'essence expressive et affective
d'une scène. La conviction que la couleur serait le fondement de l'art
à venir influença nombre de peintres et conduisit
Gauguin à aller chercher dans le Pacifique des civilisations exotiques
et des paysages flamboyants. Le paysage impressionniste est habité par
l'homme, même si celui-ci n'était pas figuré : un pont, une maison indiquaient
sa trace vivante.
4
Le Néo-impressionnisme
5
Le post-impressionnisme